Les Éternels – Confiance
Priska Poirier
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CHAPITRE 2
RECHERCHÉES
Stella ouvrit la bouche. La referma. Qu’était-elle censée dire après une déclaration si saugrenue ? Elle observa sa mère. Ses cheveux bruns légèrement bouclés frôlaient ses épaules. Son menton un peu pointu et son nez retroussé lui donnaient un air espiègle. Stella la trouvait belle et espérait lui ressembler un jour.
— Tu n’as pas d’ailes, fut la première remarque qui lui traversa l’esprit.
Sa mère éclata de rire.
— Avoir su que c’est ça qui te préoccuperait le plus, je n’aurais pas eu si peur de t’annoncer que nous étions des demi-anges !
Ces paroles eurent l’effet d’une bombe dans l’esprit de Stella. Les questions se multipliaient maintenant à la vitesse de l’éclair.
— Qu’est-ce que ça veut dire, des demi-anges ?
— Ça signifie que j’ai été un ange pendant de très nombreuses années et qu’un jour j’ai décidé d’avoir un enfant. Pour que cela soit possible, je devais te transmettre la moitié de ma force angélique et prendre la moitié de ton humanité. Il est impossible de rester ainsi plus de quinze ans. Donc, dans trois ans, l’une de nous deviendra éternelle à cent pour cent et l’autre, humaine.
— Qui prendra cette décision ?
— Moi.
— Oh ! OK.
C’est sa mère qui allait choisir ? Stella se demanda comment elle réagirait si Lucie ne la trouvait pas assez bien pour devenir un ange.
« Et qu’est-ce qui va m’arriver si, à l’inverse, j’en deviens un ? Tout ça est complétement fou ! » estima-t-elle.
Le besoin de connaître la raison de leur fuite se fit encore plus pressant.
— Pourquoi partons-nous si vite ?
— Lorsqu’un ange accomplit une bonne action, il se dégage de lui une certaine quantité d’énergie angélique. Celle-ci n’est pas perceptible pour les humains, mais pour d’autres éternels, oui. C’est un peu comme une signature. Lorsque tu as arrêté cet autobus ce matin…
— C’est moi qui ai fait ça ? la coupa Stella.
— Oui, ma Plume, confirma Lucie. Donc, lorsque tu as arrêté ce véhicule, tu as dépensé une grande quantité d’énergie, et un ami m’a prévenue que des démons s’étaient mis en route vers chez nous.
— Quoi ? ? ? Des démons ! Ça existe ?
— Comme les éternels.
— Et ils voient l’énergie des anges ?
— Normalement, non ! C’est ce qui m’inquiète. Ça s’est déjà produit plusieurs fois, et je ne vois que deux possibilités pour l’expliquer : soit un ange de la maison mère porte un contrôleur, soit les démons ont découvert comment repérer notre énergie. Dans les deux cas, nous avons un gros problème.
Cette réponse eut de nouveau pour effet de multiplier les questions de Stella. Elle tenta de se concentrer pour bien fixer l’ordre de ses priorités.
— C’est quoi, une maison mère ?
— C’est un quartier général. Il s’agit de l’endroit où est rassemblée une grande partie de notre savoir angélique, où sont choisies nos missions et où se prennent les décisions cruciales pour la protection de l’humanité.
— Wow ! Et tu penses qu’un ange ou un démon menace ça ? Lequel est le plus probable ?
— Je suis presque sûre qu’il s’agit du contrôleur.
— Et c’est quoi, au juste ?
— Un outil qui sert à modifier la pensée d’un ange et à lui faire faire des choses qui ne lui seraient pas venues en tête sinon. C’est très difficile à maîtriser, on doit faire preuve de douceur et de beaucoup de patience. On ne change pas l’esprit d’un ange en deux semaines. En de très rares occasions, les démons, par l’intermédiaire d’un humain, parviennent à en placer un à l’intérieur du corps d’un éternel. Mais il ne faut pas qu’il s’en rende compte, sinon il peut parvenir à le combattre.
— Mais, si c’est un ange, qu’il repère mon énergie, qu’il sait que je suis ta fille et qu’il connaît ton nom, nous serons en danger peu importe où nous irons ?
— Je dois t’avouer que j’ai plusieurs identités et que je les ai utilisées au fil des ans, même si tu ne t’en es pas aperçue. En plus, j’ai toujours effacé les traces de nos passages dans les villes et villages où nous avons vécu.
Le silence régna dans la voiture pendant quelques minutes. Stella réfléchissait intensément à tout ce qu’elle venait d’apprendre.
— Maman ? finit-elle par demander. As-tu des pouvoirs spéciaux ?
— Je n’ai pas le droit de te répondre, ma Plume. En fait, je n’aurais même pas dû te parler de tout cela. Notre existence doit rester secrète et, comme je te l’ai dit, avant quinze ans, tu n’aurais pas dû savoir la vérité. Alors, plus de questions ! D’accord ?
— Assure-moi au moins qu’on ne change pas de pays…
— On ne change pas de pays, promit sa mère avec un sourire encourageant.
— Où allons-nous ? ajouta Stella.
— À Montréal.
Voilà une semaine qu’elles étaient arrivées. Elles avaient élu domicile dans un appartement meublé de cinq pièces. Stella avait surtout occupé son temps à aménager leur nouveau logis. Comme à son habitude, sa mère avait décidé de le nettoyer de fond en comble et de repeindre les murs. Elle répétait que prendre soin d’une demeure l’aidait à l’apprivoiser et à l’aimer.
« Sonia doit se demander ce qui m’arrive », pensa tristement Stella, qui n’avait pu lui écrire qu’une seule fois avant de devoir jeter son cellulaire.
— Les démons sont dangereux, lui avait expliqué sa mère. Pour le bien de ton amie, tu dois couper tout contact avec elle. Lorsque nous en saurons plus, tu pourras peut-être la rappeler.
La jeune fille prenait donc son mal en patience, mais la présence et les conversations de Sonia lui manquaient. Sans télévision, sans téléphone et sans connexion, Stella avait sollicité un budget pour acheter des livres. Elle était allée s’en procurer quelques-uns à la librairie du quartier et s’était plongée dans sa lecture. Ils portaient tous sur le même sujet : les anges ! Sa mère avait sourcillé lorsqu’elle s’en était rendu compte.
— Tu ne trouveras aucune information pertinente là-dedans, l’avait-elle prévenue.
C’était bien possible, mais, comme depuis leur conversation dans la voiture Lucie refusait de répondre à ses questions, Stella devait se rabattre sur une autre voie.
« Tant mieux si maman juge que je serai mal renseignée et décide d’y remédier ! »
En plus, en restant bien tranquille le nez dans un livre, elle espérait que sa mère oublierait un peu sa présence et ne déciderait pas de l’envoyer dans une nouvelle école.
— Que dirais-tu d’essayer l’école à la maison ? lui demanda justement Lucie, ce soir-là.
— C’est quoi, ça ?
— Eh bien, en attendant qu’on soit certaines de rester ici, je pourrais envoyer une requête à la commission scolaire pour t’enseigner moi-même. Penses-tu que tu t’ennuierais ?
Stella leva les yeux au ciel et afficha un énorme sourire. Elle ne s’ennuyait jamais. Ce mot ne faisait pas partie de son vocabulaire. Depuis qu’elle était petite, elle avait l’extraordinaire faculté de toujours trouver à s’occuper. Elle avait tour à tour appris à coudre, à tricoter, à cuisiner, à jardiner, à cueillir toutes sortes de petits fruits et des champignons sauvages. Elle savait pêcher, faire du ski, de la raquette, de la natation et jouer aux échecs. En plus, elle adorait lire.
— Et j’apprendrai quoi ?
— Les mêmes matières qu’à l’école et une nouvelle langue.
— Pourrais-je suivre encore des cours de natation ?
— Tu aurais probablement même le temps de t’initier à la programmation informatique, si ça t’intéresse. Toutefois, pour que ça fonctionne, il faudra que tu sois très disciplinée.
Stella leva de nouveau les yeux au ciel. Comme si c’était un problème ! Sa mère sourit. L’entente était scellée et un poids s’enleva des épaules de la jeune adolescente. Si elle n’aimait pas rester en permanence à la maison, elle pourrait toujours reprendre l’école en septembre. Pour l’instant, elle se sentait vraiment soulagée de ne pas être obligée de sourire à tout le monde, de tenter de retenir plein de nouveaux noms et de se refaire un réseau d’amis. La solitude ne lui faisait pas peur. Satisfaite, elle ramassa son roman, Sauvé par un ange, et s’installa confortablement sur le divan pour en entreprendre la lecture.
Un mois plus tard, penchée au-dessus du comptoir de la cuisine, Stella, un scalpel à la main, finissait de disséquer un cœur de bœuf. Elle écrivit sur une feuille ses dernières observations et donna un ultime coup de crayon au schéma des deux ventricules. La biologie ne comptait pas parmi ses apprentissages obligatoires, mais, comme cela l’intéressait, sa mère s’était procuré un manuel scolaire sur le sujet.
— Ça avance beaucoup plus vite qu’à l’école, murmura-t-elle pour elle-même. Pas besoin d’arrêter après une heure de cours ni d’attendre les autres.
L’adolescente avait décidé de consacrer ses cinq premières semaines de cours à la maison à la biologie et aux mathématiques. Elle avait fini de remplir les cahiers achetés et se préparait à entamer le français et la géographie. Soudain, la sonnette de la porte retentit et elle sursauta. Ce faisant, elle s’entailla profondément la main avec son petit couteau.
— Haaaaaa ! hurla-t-elle en sautant sur place.
Elle ramassa le linge à vaisselle qui séchait sur la porte du four et s’en servit pour envelopper sa main. Elle trottina jusqu’à l’interphone et appuya avec son coude sur le bouton.
— Qui est là ? demanda-t-elle.
— Madame Boivin, du troisième. J’ai oublié ma carte magnétique.
— C’est ouvert ! lança Stella en actionnant la commande de la porte de l’immeuble. Bonne journée !
— Merci, ma belle. Bonne journée à toi aussi.
Stella se rendit à la salle de bain. Le linge à vaisselle était maintenant rouge. Tremblante, elle commença à le dérouler. Elle avait peur de découvrir dans quel état se trouvait sa main. Lorsqu’elle enleva complètement le morceau de tissu, la plaie d’environ quatre centimètres de long se mit à dégoutter dans l’évier.
« Ishhhh ! Ç’a l’air vraiment profond ! »
Elle ouvrit légèrement les deux côtés et vit un bout d’os. Elle retint son souffle. Ses yeux se remplirent de larmes. Elle ne sentait pas la douleur, mais son front se couvrit rapidement de sueur. Elle prit une serviette propre et enveloppa de nouveau sa main. Devait-elle nettoyer la plaie ? Aller à l’hôpital ? Comment ? En taxi ? En ambulance ?
« Respire, Stella, s’exhorta-t-elle. Tu n’as pas encore mal ! »
Ses cours de biologie lui avaient appris que cela voulait sans doute dire que son corps produisait suffisamment de dopamine ou d’adrénaline pour l’instant.
« Maman devrait rentrer dans moins de trente minutes, calcula-t-elle. Je ne peux tout de même pas me vider de mon sang aussi vite. »
Un regard à l’horloge lui indiqua qu’il était dix heures. Stella décida de s’étendre sur le divan du salon, en attendant que sa mère arrive. Elle pria de toutes ses forces qu’il s’agisse de la bonne décision, et que sa blessure ne s’aggrave pas. Elle avait déjà lu dans un livre que des gens parvenaient à se guérir en visualisant le résultat qu’ils souhaitaient et en donnant des directives claires aux cellules, plaquettes et globules de leur corps.
— Et si ça fonctionnait ? murmura-t-elle en se concentrant.
À peine avait-elle fermé les yeux que sa mère, entourée de quatre sacs d’épicerie, la réveillait en la secouant par l’épaule.
— Que se passe-t-il, ma chérie ?
— Je me suis ouvert la main avec mon couteau, répondit Stella en jetant un coup d’œil à l’horloge.
Elle constata que plus d’une heure s’était écoulée.
— J’attendais que tu arrives pour aller à l’hôpital, reprit-elle.
— Avec un couteau ? Tu as utilisé un objet coupant alors que j’étais absente ? Montre-moi.
— C’est vraiment dégueu, maman ! se défendit Stella en ne s’attardant pas aux yeux mécontents posés sur elle. On voit même l’os.
Lucie l’entraîna d’un pas ferme vers la salle de bain. Le sang sur le linge avait commencé à sécher.
— Je suis désolée d’avoir mis autant de temps à revenir, dit sa mère en retirant lentement la bande de tissu. Après mon rendez-vous, je suis passée à l’épicerie.
— Excuse-moi d’avoir fait ma dissection malgré ton absence.
La plaie ne saignait plus. Lucie ouvrit le robinet et obligea sa fille à mettre la main sous le jet.
— Je pense que c’est mieux que ce que tu as imaginé, soupira-t-elle de soulagement en fermant l’eau et en inspectant la blessure. La coupure est nette et peu profonde. À mon avis, avec un pansement de rapprochement, on devrait réussir à t’éviter les points de suture.
Lucie entreprit d’éponger délicatement la paume de Stella.
— Maman, je te jure ! C’était ouvert vraiment plus profond tantôt. J’ai fait de la visualisation pour guérir. Penses-tu que ça peut marcher aussi vite ? J’ai peut-être un don pour ça.
Stella ouvrit de grands yeux et mit son autre main sur sa bouche.
— Oh non ! Est-ce que c’est ma part ange ? Ai-je utilisé mon énergie angélique ?
— Probablement, ma Plume, mais pas suffisamment pour qu’on nous repère. Assois-toi sur le comptoir pendant que je te fais ton pansement.
— Maman ? Est-ce que c’est ma faute si on a déménagé si souvent ?
— Oui et non, Plume. Tu es un demi-ange passablement doué et tu as un grand cœur. Tu dégages donc de bonnes quantités d’énergie quand tu aides les autres. Toutefois, comme tu n’es pas un éternel à cent pour cent, tu n’as pas encore ta propre empreinte. C’est donc la trace de mon énergie que tu laisses, et moi… je suis recherchée.
Stella retint son souffle. Arriverait-elle à en apprendre un peu plus ? Elle tenta le coup en priant que sa mère réponde.
— Pourquoi ?
— Avant ta naissance, j’exerçais le métier d’ange guerrier. Puisque j’ai mis hors d’état de nuire de nombreux démons, je ne suis pas très populaire auprès d’eux.
— Quel âge as-tu, maman ?
— Quatre cent soixante-deux ans.
— Wow !
— Comme tu dis !
— Comment est-ce possible ?
— Un éternel cesse de vieillir dès qu’il en devient un à part entière et que son don lui est révélé.
— Et c’est à quinze ans qu’on apprend qu’on est un ange ?
— Pas toujours. Chaque histoire est différente. Ce n’est jamais avant quinze ans, mais cela peut tout aussi bien arriver à cinquante. Pour ma part, j’ai connu ma vraie nature à dix-neuf ans. Ensuite, chaque éternel décide de vieillir au rythme qu’il veut. Toutefois, afin de s’assurer qu’il y a des anges de tous les âges, on doit demander la permission pour le faire.
Stella se montrait fascinée par tout ce qu’elle découvrait sur cet univers étrange. Elle allait poser une nouvelle question lorsque sa mère l’arrêta d’un geste de la main. L’adolescente leva les yeux dans les airs en soupirant fortement, dans l’espoir de faire comprendre à Lucie qu’elle trouvait ridicule cette règle du secret. Elle savait qu’elle devait retenir son impatience si elle ne voulait pas braquer sa mère, mais l’attente la rendait folle. Elle était bien décidée à revenir le plus vite possible à l’assaut.
Stella plia et déplia les doigts à plusieurs reprises. Elle n’avait toujours pas mal, mais la peau lui démangeait. Sautant en bas du comptoir, elle gagna la cuisine pour aller laver son matériel de biologie pendant que sa mère rangeait l’épicerie.
— Pourrais-tu aller porter ce sac à madame Martin avant qu’on dîne ? lui demanda Lucie. Elle a de la difficulté à se déplacer. Nous allons l’aider un peu avec les courses.
— Aucun problème !
Stella prit le sac et se rendit à l’appartement de madame Martin. La dame l’invita à entrer et ce n’est que quinze minutes plus tard que Stella reprit le chemin du logement familial. Dans l’ascenseur, elle tomba sur un adolescent de son âge, complètement paniqué.
— As-tu vu un garçon de sept ans dans le couloir ? lui demanda-t-il.
— Non…
— C’est mon petit frère. Il se sauve parfois quand il est contrarié. C’est moi qui m’en occupe le midi et là, je ne le trouve plus. Ça fait au moins trente minutes que je le cherche partout. Je pense que je vais devoir appeler mes parents.
— Veux-tu que je t’aide ?
Le jeune homme hocha la tête, visiblement soulagé.
« Où s’est-il réfugié ? Peut-être qu’il est en difficulté et qu’il a peur. »
Cette pensée attrista Stella. Elle ferma les yeux et se concentra sur l’immeuble. Mentalement, elle fit le tour de chaque étage en réfléchissant aux endroits où pouvait se cacher un enfant de sept ans. Arrivée au sous-sol, elle sentit qu’une salle qu’elle n’avait jamais vue mais dont elle avait déjà entendu parler s’imposait à son esprit.
— As-tu regardé là où les gens font leur lavage ?
— La buanderie ? Non.
— Allons-y ! lança la jeune fille avec l’image d’un garçonnet blond imprimée dans la tête.
Deux minutes plus tard, l’adolescent poussait la porte de la pièce. Stella vit immédiatement un enfant blond tenant une figurine de Batman dans chaque main. Il était assis à même le sol. Il leva la tête vers eux pour la redescendre aussitôt d’un air coupable. Il fixait le plancher.
— Viens, Mathis, dit doucement son grand frère. On retourne dans notre maison, OK ?
L’enfant ne bougea pas.
— Je ne te chicane pas, lui assura l’adolescent. On va juste rentrer chez nous. Et… je te donne le choix entre l’ascenseur et l’escalier.
Le petit se leva et son frère aîné poussa un soupir de soulagement.
— Merci ! souffla-t-il à Stella.
— Je n’ai rien fait. Tu y aurais songé aussi.
— Je n’en suis pas si sûr, mais merci quand même.
Au moment précis où Stella mettait les pieds dans l’appartement, la sonnerie stridente d’un téléphone résonna dans la cuisine. Sa mère, un cellulaire à la main, arriva précipitamment.
— Que faisais-tu à l’instant ? lui demanda-t-elle, catastrophée.
« On a un téléphone ? » fut la première pensée de Stella.
— Euh… Je rentre, répondit-elle. Et j’ai aidé un gars à retrouver son frère qui s’était enfui.
— Oui, c’est elle ! dit alors sa mère dans le combiné. D’accord… Merci…
Dès qu’elle mit fin à l’appel, elle plongea son regard vert dans celui de sa fille.
— Mets ton manteau et tes bottes, Plume. Nous partons !
Lucie lui tourna le dos et se plaça devant le réfrigérateur. Elle le tira vers elle jusqu’à ce qu’il sorte de son espace de rangement. Elle se glissa derrière et détacha des velcros qui maintenaient un porte-documents au mur.
— Que se passe-t-il, maman ? C’est parce que j’ai retrouvé le petit garçon ? J’ai utilisé mon don ?
Les yeux de Stella se remplirent de larmes, qui commencèrent à couler sur ses joues.
— Oui, ma Plume, confirma Lucie en passant affectueusement une main sur la joue de sa fille. Mais ce n’est pas ta faute. J’étais tellement obnubilée par le fait que je devais t’en révéler le moins possible sur le monde angélique avant tes quinze ans que je ne t’ai pas montré à contrôler ton don.
Elle enfila son manteau d’hiver. Stella l’imita.
— En un mois, pourtant, j’aurais eu le temps, marmonna Lucie comme si elle se parlait à elle-même. D’ici la fin de la journée, reprit-elle plus fort, je te promets que je donnerai des réponses à toutes tes questions. Pour l’instant, dépêchons-nous.
Lucie s’engagea dans le corridor et emprunta l’escalier pour dévaler les cinq étages. Le simple fait de ne pas prendre l’ascenseur contribua à augmenter le niveau de stress de Stella. Sa mère mit un foulard de laine sur sa tête dès qu’elle s’engagea sur le trottoir. Elle marchait rapidement, sa longue écharpe couvrant presque tout son visage. Son dos légèrement courbé dénotait son envie d’atteindre rapidement sa destination.
La station de métro apparut lorsqu’elles tournèrent le coin de la rue et elles s’y précipitèrent. Dès qu’elles passèrent la porte tournante, une odeur d’huile d’arachide, de poussière grasse et de chien mouillé envahit les narines de Stella. Les murs de béton, les néons et les publicités remplirent son champ de vision. Une fois de plus, la jeune fille pensa qu’elle n’aimait vraiment pas se promener dans cet environnement où les sourires se comptaient sur les doigts d’une main et où tout le monde semblait au bord de la dépression.
Elles payèrent leurs tickets en vitesse, prirent le train de la ligne orange qui se dirigeait vers le centre-ville et s’assirent l’une à côté de l’autre.
— Tu sais, ma Plume, la ville a sa propre beauté, ses odeurs, son rythme. Ce ne sont pas les mêmes qu’en campagne, mais, si tu observes bien, tu apprendras aussi à aimer la métropole.
Stella en doutait beaucoup.
— Où allons-nous ? demanda-t-elle pendant que sa mère observait les passagers autour d’eux.
— Nous rejoignons le quartier général. Ensuite… Oh non !
Lucie pencha d’un coup sec le menton vers sa poitrine et tourna légèrement la tête vers Stella.
— Tu vas bien m’écouter, ma fille, chuchota-t-elle d’un ton excessivement sérieux, en lui prenant le poignet. Lorsque je me lèverai, tu me suivras. Je ne dois pas te lâcher. Si cela arrive, agrippe-moi à ton tour d’une façon ou d’une autre. C’est vital. Tu as compris ? Peu importe ce que tu vois et même si tu désires t’enfuir, ne romps pas le contact. Ma présence masquera la tienne.
— Maman, tu me fais peur ! Que veux-tu dire ? Y a-t-il un démon ?
Le wagon s’immobilisa.
— Tu es unique, mon petit ange ! Si j’arrive à nous sortir d’ici, je t’expliquerai. Sinon, d’autres le feront.
Au moment où les portes du métro allaient se refermer, Stella sentit la prise de sa mère se resserrer autour de son poignet. Elle fut violemment tirée à sa suite en dehors du train. Presque simultanément, elle entendit un bruit sourd derrière elle. Tournant la tête, elle vit que la main d’un homme s’était abattue dans la porte désormais close. Elle aperçut parfaitement son empreinte, le métal moulant le contour de ses doigts. Comment était-ce possible ?
CHAPITRE 3
LA TRANSFORMATION
Stella fut entraînée par sa mère au milieu de la foule massée sur le quai. Elles se ruèrent vers l’escalier roulant et montèrent les marches à toute vitesse. Une fois en haut, elles ralentirent le rythme. Elles marchaient maintenant vite, mais sans courir. Lucie conduisit sa fille vers le centre commercial souterrain. L’endroit était immense. C’était la première fois que l’adolescente y pénétrait. Sa mère ralentit encore un peu le pas, sans doute pour mieux se fondre dans le décor.
— Ils sont trop proches. Nous ne pouvons plus nous rendre par nous-mêmes à la maison mère, car il se pourrait qu’ils nous suivent et il ne le faut absolument pas, lui chuchota sa mère. Il faut juste tenir une vingtaine de minutes et on viendra nous chercher. Viens ! Entrons ici. N’oublie pas : ne lâche pas ma main.
Stella avait le cœur qui palpitait à trois cents battements par minute. Au fond du magasin, Lucie fit semblant d’admirer les vêtements. Toutefois, Stella remarqua que ses yeux ne quittaient pratiquement pas la porte d’entrée. Soudain, une voix masculine venant de l’extérieur résonna dans la boutique comme si elle provenait d’un interphone.
— Eh bien ! Eh bien ! Mes espions me disent qu’un éternel s’est sauvé par ici. J’aimerais bien savoir qui est le lâche qui se cache de nous parmi les humains…
Stella regarda autour d’elle. Deux jeunes femmes se racontaient leur soirée de la veille et la vendeuse présentait à une cliente un énième chandail de laine. Personne à part sa mère et elle ne semblait entendre la voix.
— J’ai toujours détesté le jeu du chat et de la souris, reprit l’homme. Alors, on ne perdra pas de temps et la souris va sortir de sa cachette, d’accord ?… Non ?… Dommage ! Je constate que le câble de l’ascenseur à mes côtés est vraiment usé. Je pense qu’il est sur le point de céder, avec une jeune maman et trois enfants à l’intérieur. C’est triste tout de même.
Lucie tira sur le bras de sa fille et s’approcha de l’entrée de la boutique.
— Albert ! gronda-t-elle pas plus fort que si l’homme était à ses côtés. Ne me menace pas !
— Angéla ? rugit la voix avant d’éclater de rire comme si c’était la meilleure farce de la dernière décennie. C’est vraiment toi ? Impossible. Ça doit bien faire vingt ans. Montre-toi, ma belle !
Lucie ne bougea pas d’un pouce.
— Non ? Comme tu veux ! Je suis certain que tu seras d’accord avec moi pour admettre qu’un ascenseur qui tombe, ce n’est pas assez spectaculaire pour saluer nos retrouvailles. Un feu d’artifice provoqué par le bris de la conduite de gaz serait beaucoup plus approprié, non ?
Le cœur de Stella fit un bond dans sa poitrine. Elle était scandalisée par ces paroles ! L’individu, démon ou pas, ne pouvait être sérieux ! Elle observa sa mère avec appréhension. Comment celle-ci allait-elle réagir ?
Lucie soupira et fit quelques pas en dehors de la boutique en ne lâchant pas la main de sa fille. Stella put voir, deux étages plus haut, au centre d’une passerelle, un homme vêtu d’un long manteau noir, les mains posées sur la rambarde. Il observait le sol, entouré de deux autres personnes. Soudain, il parut les repérer.
— Tu sais que, si tu m’approches, tu seras à jamais marqué, l’avertit Lucie.
— Angéla ! Quel bonheur de te voir ! J’attends nos retrouvailles depuis si longtemps. C’est fou comme le monde est petit ! Les derniers mois m’ont aussi permis de saluer… ou plutôt d’adresser mes adieux à Émile et à Éloi.
Stella sentit sa mère retenir sa respiration. La douleur marqua ses traits.
— Tu mens ! cracha-t-elle.
— Étais-tu au courant qu’Émile avait un fils ? J’avoue que j’ai eu un pincement au cœur en en faisant un orphelin, ajouta-t-il d’un ton désolé.
Son petit sourire en coin et son air satisfait démentaient éloquemment ses propos. Des larmes se mirent à couler sur les joues de Lucie. Elle serra plus fort les doigts de sa fille.
— Tu le savais…, poursuivit l’homme. Comme il était au courant que tu possédais les verres de contact, j’imagine ! Tu ne trouves pas que c’est une très mauvaise idée d’échanger autant d’informations personnelles lorsque vous choisissez de disparaître ?
— Si tu penses que tu vas mettre la main sur…
— Que feras-tu, hum ? Ta force semble avoir radicalement diminué. De toute façon, à cette heure, il est trop tard pour m’en inquiéter. Bon ! Notre discussion m’a fatigué et l’idée d’un petit feu me réjouit de plus en plus.
— Albert ! le menaça Lucie en avançant d’un pas.
Il n’en fallut pas plus pour qu’une flèche vienne s’enfoncer dans le plancher devant elle. Stella sursauta lorsque le carreau de céramique se brisa sous la force de l’impact. Immédiatement, une autre flèche transperça l’épaule de sa mère, qui ploya les genoux.
Stella, muette de terreur, regarda sa mère agenouillée, blanche comme un drap.
— Adieu, Angéla ! dit la voix dure. Allez me chercher ces flèches, vous autres !
— Maman ? lança Stella, affolée. Qu’est-ce que je dois faire ? Maman ?
— Ne… lâche… pas… ma… main…
Stella s’accroupit près de sa mère. Elle sentait la panique l’envahir. Est-ce qu’une flèche dans l’épaule pouvait vraiment être si dangereuse ?
« Il n’y a pas d’organes vitaux dans une épaule », se rappela l’adolescente.
Cette réflexion la rassura un peu. Elle leva la tête et vit que les gens passaient autour d’elles sans s’apercevoir de rien, comme si elles étaient invisibles.
« Comment est-ce possible ? »
Soudain, une femme s’avança d’un pas décidé dans leur direction. Elle avait les yeux rivés sur Lucie. Stella avala difficilement sa salive en voyant ses globes oculaires complètement noirs et le voile sombre qui brouillait l’air autour d’elle. Lorsque la femme fut tout près, elle attrapa la flèche piquée dans le sol aussi facilement que si elle avait été plantée dans du beurre. Puis, l’inconnue se pencha au-dessus de Lucie et mit la main sur la flèche pour la prendre. Au même moment, elle grimaça de douleur et son visage devint si hideux que Stella eut envie de hurler de peur.
La femme se releva néanmoins avec la flèche, sans jamais avoir posé ses yeux de noirceur sur l’adolescente. Elle repartit en titubant vers l’ascenseur.
— Mon petit ange, chuchota sa mère en se couchant à même le sol. Je vais devoir te quitter. Garde ma main dans la tienne jusqu’à ce que quelqu’un arrive et prononce des paroles que toi seule connais. Ne t’inquiète pas, tu comprendras de quoi je parle en les entendant.
— Maman… ce n’est rien. Une flèche dans une épaule, ça se guérit.
— Pas celle-là, ma chérie ! Maintenant, écoute-moi bien. La vie est belle et nous devons la protéger. Tu… dois… la protéger ! Ne laisse pas la rancœur ou un désir de vengeance prendre possession de ton cœur si pur.
Stella avait de la difficulté à respirer, à écouter, à penser ! Une douleur sourde, plus vive qu’elle ne pouvait le supporter, l’envahissait. Des larmes jaillirent de ses yeux. Elle tentait de toutes ses forces de n’émettre aucun son et de ne pas laisser l’affolement qui s’insinuait en elle exploser.
— Prends ce porte-documents, Plume. Tu es la clé… Ma chérie… tu es forte… Plus que tu ne le crois… J’ai confiance en toi… Choisis les bons alliés… Écoute ton cœur… Tu es ma plus grande réussite ! Ma plus belle victoire ! Tu m’as redonné foi en l’avenir !
Au moment où une aura blanche se formait autour de Lucie, Stella ne parvint plus à se retenir et elle éclata en sanglots. Son univers s’effondrait et elle ne savait pas comment l’en empêcher. Au bout de plusieurs minutes, bien après que le cœur de sa mère eut arrêté de battre, elle s’allongea à ses côtés malgré son désarroi, sans lâcher sa main. Les gens marchaient en décrivant un large cercle autour d’elles, comme s’ils ne pouvaient pas approcher, même s’ils ne voyaient rien.
Une demi-heure passa.
Un homme noir d’environ quarante ans, grand et costaud, finit par traverser la ligne invisible. Il s’agenouilla près de la mère de Stella, pencha la tête et laissa deux larmes couler sur ses joues. L’adolescente resta étendue au sol. Elle ne pleurait plus. En état de choc, elle ne bougea pas d’un pouce. L’homme dit :
— C’était un grand ange guerrier ! La meilleure d’entre nous ! Malgré toutes les fois où elle a mis sa vie en danger, jamais je n’aurais cru que ce jour viendrait.
Stella resta silencieuse.
— Je te vois, petite. La protection dont t’a couverte ta mère ne servait pas à te cacher aux gens de notre espèce, mais à nos ennemis. Tu dois venir avec moi.
L’adolescente ne savait pas comment réagir. Elle ignorait à qui faire confiance. Elle pressentait soudain que le monde était plus grand et plus sombre qu’elle ne le pensait. Elle se rappela les paroles de sa mère.
— Pouvez-vous prononcer les mots magiques ? demanda-t-elle d’une voix éteinte.
— Les mots magiques ? Je ne suis pas sûr de les connaître. Tu avais une entente avec ta mère ? Elle ne pouvait pas savoir que ce serait moi qui viendrais. Tu vas devoir me croire.
— Jamais ! chuchota-t-elle en se pressant davantage contre le corps de Lucie.
L’homme soupira.
— Une chose à la fois. Je vais m’occuper d’Angéla et, ensuite, nous parlerons jusqu’à ce que je trouve les fameux mots. Je dois te prévenir que, lorsque j’aurai fini de parler, le corps de ta mère disparaîtra en quelques secondes.
Pourquoi cet homme appelait-il sa mère Angéla ? Le démon avait fait pareil. Craintive et affolée, Stella se décida à s’agenouiller, sans lâcher la main de Lucie. Elle ne voulait pas qu’elle se volatilise.
— Depuis le début des temps, récita l’étranger avec une voix solennelle, bien avant que l’homme soit, les éternels protègent cette terre. Depuis que l’humanité nous est accessible, les choix sont plus nombreux, les chemins, plus sinueux, et la lutte, plus ardue. Que la lumière éclaire notre âme ! Que la paix envahisse notre esprit ! Que la bonté guide nos actions ! Que, toujours, la foi en un monde meilleur nous pousse vers l’avant. Angéla… poursuis ta route dans l’autre monde… avec le courage que tu as eu dans celui-ci !
À ce moment, un courant lumineux se forma entre Lucie et sa fille, mais son corps resta intact. L’homme haussa les sourcils, l’air surpris.
— Je vais vous suivre, chuchota l’adolescente.
— Les mots que tu souhaitais que je prononce étaient la prière des éternels ?
Stella avait toujours cru que c’était Lucie qui avait inventé cette prière et que personne à part elles ne la connaissait. Si c’était la première chose que cet homme disait en voyant sa mère, c’était certainement le signe qu’elle attendait. Elle hocha donc la tête.
— Elle ne l’a jamais nommée ainsi, mais elle me l’a fait apprendre par cœur quand j’étais petite. Elle remplaçait « éternels » par « anges », mettait tous les pronoms à la troisième personne, et la dernière phrase n’y était pas.
Puis, se souvenant de l’avertissement de l’homme, elle s’exclama :
— Pourquoi ne s’est-il rien passé ? Vous avez dit que maman disparaîtrait.
— Je l’ignore. Mais ta mère était la plus forte d’entre nous. Je pense que sa protection demeurera tant que tu lui tiendras la main. Prends la mienne, je te protégerai à mon tour jusqu’à ce que nous ayons quitté cet endroit.
Stella jeta un regard paniqué autour d’elle.
— Ils sont encore ici ? demanda-t-elle en commençant à trembler.
— Non, la rassura l’homme en se relevant avec grâce, mais il y a des caméras et, si tu apparais comme ça au milieu du hall, on posera sans doute beaucoup de questions.
Stella attira le porte-documents entre ses deux pieds et prit la main tendue. Doucement, elle glissa ses doigts hors de la poigne de sa mère. Dès que ce fut fait, le corps de Lucie devint lumineux, puis vaporeux. Il se transforma en un million de petites étoiles qui commencèrent à s’élever vers le plafond, trois étages plus haut. Sous le regard de son garde du corps, qui semblait toujours aussi surpris, certaines de ces étoiles se dirigèrent vers Stella et pénétrèrent en elle. L’adolescente n’avait jamais vu de plus beau spectacle. La peur, la colère et la peine la quittèrent comme par magie et une force tranquille s’installa dans son cœur.
Lorsque toutes les étoiles eurent disparu, elle empoigna le porte-documents de sa mère, et l’homme se mit en marche.
— Quel est votre nom ? voulut savoir la jeune fille en cheminant à ses côtés.
— Jules. Et le tien ?
— Stella.
— Ça te va très bien, dit-il en souriant. Maintenant, je pense que nous devrions garder le silence, sinon les gens vont croire que je parle seul.
L’adolescente approuva cette logique d’un geste de la tête. Elle était étonnée de se sentir si bien avec cet ange inconnu alors que sa mère venait juste de mourir. Il n’y avait aucune cohérence entre le sentiment de calme qui l’habitait et les événements tragiques qu’elle venait de vivre. C’était comme si les étoiles avaient emporté sa tristesse tout en lui donnant la force de poursuivre sa route.
Stella regardait les piétons sur les trottoirs de Montréal par les vitres de la voiture. Auparavant, Jules et elle avaient rejoint trois autres adultes qui n’avaient pas prononcé un seul mot, mais qui l’avaient dévisagée bizarrement. Puis, ils avaient tous repris le métro sans que Stella lâche la main de son nouveau gardien. Une fois parvenus à l’avant-dernière station de la ligne, ils étaient sortis et ils étaient montés dans deux véhicules. Jules avait ouvert la porte du conducteur et avait tiré légèrement sur le bras de la jeune fille pour lui faire comprendre que c’est par là qu’elle devait atteindre le siège du passager. Ce fut toute une gymnastique pour monter dans l’automobile, étant donné que l’homme semblait ne vouloir faire aucun mouvement qui puisse le trahir. Peut-être y avait-il des caméras là aussi.
Dès que le moteur avait démarré, les vitres étaient devenues bleues et il lui avait lâché la main. Ils avaient emprunté l’autoroute pendant quelques minutes, puis avaient bifurqué vers des quartiers résidentiels avant de revenir au centre-ville.
De temps en temps, Stella observait Jules du coin de l’œil. Ses cheveux noirs étaient coupés très court et il était rasé de près. Il émanait de lui une grande force qui la faisait se sentir en sécurité.
— Où allons-nous ? finit-elle par demander.
— Au quartier général.
« C’est là que maman voulait aller tantôt », se souvint Stella, alors que l’effet des étoiles s’estompait et que la tristesse reprenait tranquillement possession de son cœur.
— Nous sommes presque arrivés. Le gratte-ciel où nous nous rendons abrite la maison mère et l’école où tu seras probablement admise.
— Il y a une école à l’intérieur du gratte-ciel ?
— Oui. C’est l’Académie de l’Envolée. C’est là qu’on forme les éternels.
— Mais moi, je ne suis qu’un demi-ange.
Jules tourna la tête vers elle avec un sourire.
— Tu te rappelles les étoiles qui sont entrées en toi tantôt ? En mourant, ta mère a pris sa décision. Tu es maintenant un ange !
CHAPITRE 4
LE PORTE-DOCUMENTS
La voiture s’engagea enfin dans un stationnement souterrain. Stella tourna la tête et constata que le second véhicule continuait sa route.
— Ils vont patrouiller encore un peu dans le secteur, lui révéla Jules, qui avait suivi son regard.
Il immobilisa l’automobile deux étages plus bas et invita Stella à l’accompagner.
Ils prirent l’ascenseur jusqu’au vingt et unième et débouchèrent sur un grand hall. On aurait dit l’entrée d’un hôtel chic avec son immense lustre au plafond, son plancher de marbre et son long comptoir en bois sculpté, derrière lequel se tenait une femme, un téléphone à la main.
Un homme d’une trentaine d’années portant le kilt écossais se dirigea vers eux. Il semblait vivre dans un autre siècle. Son sourire chaleureux et ses yeux rieurs plurent immédiatement à Stella, qui se sentit en confiance avec lui.
— Bonjour, Stella, prononça-t-il avec gentillesse. Je suis désolé que ce soit des événements aussi tragiques qui t’amènent ici. Sache toutefois que tu es la bienvenue. Nous ferons notre possible pour que cette transition s’effectue en douceur. Je me nomme Kyle Menzies. Tu peux m’appeler monsieur Kyle ou monsieur Menzies. Je suis le directeur de l’Académie.
Il se tourna vers Jules.
— Merci ! Je m’occupe d’elle. Une cérémonie est prévue pour Angéla à vingt heures.
Stella avait bien compris que sa mère avait eu plusieurs identités au cours de sa longue vie, mais l’entendre se faire appeler tout le temps « Angéla » était déroutant.
« C’est comme s’ils connaissaient maman plus que moi ! » se dit-elle avec beaucoup de chagrin.
Jules la salua et reprit l’ascenseur.
Dès que les portes se refermèrent sur lui, Stella se sentit désemparée et chercha son souffle. Aussitôt, une chaleur agréable se répandit en elle et le calme l’envahit. Elle inspira profondément et, sous un signe de sa part, elle emboîta le pas à monsieur Menzies. Celui-ci la guida dans un large corridor bordé de salles de réunion, de petits salons et de pièces closes.
— Jules est un ange gardien d’éternels, lui expliqua le directeur en bifurquant vers un bureau aux grandes vitres teintées. Ça peut paraître bizarre, mais les anges aussi ont parfois besoin de protection.
— Je suis bien placée pour le savoir, répliqua spontanément Stella d’une voix dure.
Elle se mordit les lèvres. Elle ne voulait pas se montrer impolie.
— Tu as raison, consentit l’ange. Je suis désolé de t’avoir heurtée. Je t’en prie, assois-toi.
Stella s’installa dans un fauteuil et observa les lieux. Un magnifique bureau de bois foncé, sculpté avec soin, occupait une partie de la pièce. Quelques bibliothèques remplies de livres anciens trônaient près des fenêtres. Les murs étaient couverts de grandes tapisseries bleues illustrant un ciel d’été, avec des nuages cotonneux et des volées d’outardes.
— J’imagine que tu as plusieurs questions. Je peux y répondre tout de suite… ou demain si tu préfères.
Contre toute attente, la première question qui franchit les lèvres de la jeune fille fut :
— Qui est Albert ?
Kyle ouvrit de grands yeux surpris et serra les mâchoires avant de répondre.
— Un chef démon.
— Pourquoi a-t-il tué ma mère ? chuchota-t-elle.
— J’ignorais que c’était lui qui l’avait fait. Les éternels ont pour mission de protéger la vie sur terre. Les démons font l’inverse. Ta mère a combattu férocement, pendant de nombreuses années, le clan d’Albert. Celui-ci a perdu plusieurs alliés sombres. Il devait rêver depuis longtemps d’arrêter Angéla !
— Ma mère s’appelait Lucie ! explosa l’adolescente.
— Oui… bien sûr…, acquiesça le directeur de sa voix posée. Crois-moi si je te répète que je ne souhaite pas te heurter. Pour nous, elle s’est toujours appelée Angéla. C’était son véritable prénom. Elle a contribué à fonder cette Académie ainsi que son programme d’enseignement.
Stella prit une grande inspiration pour retrouver son calme. Elle n’avait pas voulu s’emporter de nouveau, mais elle devait faire face à beaucoup d’émotions en très peu de temps.
— Qu’est-ce qui m’attend ? voulut-elle savoir.
— Nous allons te laisser quelques jours pour faire ton deuil et retrouver un certain niveau de sérénité. Puis, si tu le désires, tu pourras intégrer cette école, même si tu n’as que douze ans. Sinon, nous effacerons ta mémoire et tu retourneras dans le monde, en tant qu’humaine.
— Seule ?
— Ne t’inquiète pas de cela.
— Ça prend combien d’années pour « devenir » une éternelle ?
— Tu étudieras et tu acquerras de l’expérience pendant à peu près trente ans, selon le programme d’études que tu sélectionneras. Ce pourrait aussi être plus long.
« Trente ans ? »
— Mais je serai vieille lorsque je sortirai d’ici ! s’exclama l’adolescente.
— Un ange choisit la vitesse à laquelle son corps vieillit. Si tel est ton souhait, tu auras encore douze ans.
Stella se souvint que sa mère lui avait déjà expliqué cela, mais le réentendre paraissait aussi bizarre que la première fois. En passant doucement les mains sur le porte-documents de Lucie posée sur ses genoux, elle s’aperçut que de nouvelles larmes menaçaient de déborder.
— Si tu veux, dit doucement l’Écossais, nous l’ouvrirons ensemble après la cérémonie de ce soir et je pourrai probablement t’en expliquer le contenu. Pour l’instant, aimerais-tu te reposer ?
Stella approuva et le directeur de l’Académie la conduisit à une chambre d’invités au vingt-troisième étage de l’édifice. Il lui assura qu’il reviendrait la chercher dans quelques heures.
Stella observait la ville par la fenêtre. On lui avait attribué une petite pièce pimpante, peinte de jaune et de blanc. Elle était meublée d’un lit avec une grosse couette moelleuse, d’une chaise berçante, d’une commode, d’une bibliothèque garnie de romans en différentes langues et d’un minuscule bureau pour écrire. Après avoir fait le tour des lieux, la jeune fille avait posé sur l’édredon le porte-documents de sa mère. N’étant pas parvenue à l’ouvrir, elle avait laissé glisser son regard vers la ville à ses pieds, s’était assise dans la chaise berçante et avait essayé de digérer tout ce qui lui était arrivé ainsi que ce qu’elle avait appris.
Elle eut conscience qu’on lui apportait un plateau de nourriture. Elle entendit les mots de réconfort, mais, comme assommée, déconnectée de la réalité, elle avait continué à fixer le flot de voitures qui parcouraient les rues de la métropole.
Une délicieuse odeur de brioche à la cannelle lui chatouillait les narines, et son ventre criait famine. Alors, même si son esprit aurait voulu fuir la réalité, son corps la força à se lever. Elle observa le plateau. Une immense brioche, un verre de lait, des fraises et des amandes grillées n’attendaient qu’elle.
« Je dois manger ! » songea-t-elle en jetant un coup d’œil au réveil.
Il était dix-neuf heures. Monsieur Menzies avait dit que la cérémonie pour sa mère se tiendrait à vingt heures. Stella examina les vêtements qu’on avait déposés pour elle à côté du plateau-repas. Il s’agissait d’une robe bleu marine au corsage légèrement plus pâle parsemé de toutes petites pierres. Elle mangea une partie de la collation et enfila la robe. Le vêtement lui allait comme un gant. Elle ouvrit un des tiroirs de la commode, y trouva une brosse à cheveux et entreprit de s’occuper de son apparence. Elle savait que sa mère aurait apprécié ses efforts.
Lorsqu’on frappa à la porte, elle était prête. Monsieur Menzies lui-même se tenait devant elle. En silence, Stella attrapa le porte-documents et ils descendirent au cinquième étage du gratte-ciel. Au bout du corridor, ils pénétrèrent dans une vaste pièce ne contenant ni chaises ni bancs. Une centaine de personnes de tous âges y étaient rassemblées. Elles s’écartèrent pour les laisser passer. Stella se sentait intimidée. Qui étaient tous ces gens ? Elle aperçut Jules, qui lui sourit doucement. Aussitôt, elle eut l’impression que son rythme cardiaque diminuait un peu. Une personne replaça une écharpe sur son épaule, attirant son attention. Au moment où leurs regards se rencontrèrent, ses jambes la portèrent un peu mieux.
En tout, elle croisa le regard de cinq personnes, et chacune d’elles sembla lui transmettre juste assez de force, de chaleur et de paix pour que la boule dans sa gorge qui menaçait de l’étrangler finisse par fondre. Pour les remercier, elle laissa alors un sourire illuminer ses traits.
— Le sourire d’Angéla, entendit-elle murmurer par quelques personnes autour d’elle, pendant que des larmes naissaient dans les yeux de plusieurs.
Monsieur Menzies prit la parole.
— La mort d’une éternelle représente toujours une grande perte pour l’humanité. La mort d’un ange guerrier est un véritable drame. Tous ici, nous connaissons la valeur de celle qui nous a quittés. Unissons nos voix, nos cœurs et nos pensées pour que rejaillissent sur le monde les étoiles de sa vie. Que chacune d’elles atteigne un homme ou une femme qui en a besoin, pour qu’à leur tour ils puissent faire jaillir l’amour et la paix autour d’eux.
Les voix s’élevèrent instantanément dans un magnifique chant qui sembla à Stella provenir directement du ciel. Rapidement, elle se laissa porter par lui. Elle rappela à son souvenir les images traumatisantes de la journée : l’inconnue aux yeux sombres, Albert et sa voix faussement douce, mais surtout menaçante, l’individu dans le métro, la course, la douleur, la peine, les larmes. La musique effaçait lentement les cauchemars à venir. Elle atténuait la souffrance au point où Stella se mit à penser à sa mère avec sérénité. La jeune fille percevait sa présence et son amour.
Tu es ma plus grande réussite ! Ma plus belle victoire ! avait-elle dit. Alors, le cœur de nouveau rempli d’amour, Stella leva la tête vers le plafond de la salle. Ce faisant, elle perdit contact avec ce qui l’entourait. Elle ferma les yeux et pensa à sa mère qu’elle adorait. Elle se sentait plus forte que jamais.
— Ce soir, Angéla nous a quittés et nous accueillons sa fille, Stella, parmi nous. L’équilibre est maintenu. Aidons-la à devenir ce qu’elle doit être et poursuivons notre mission de paix !
Stella aurait dû être épuisée après la journée qu’elle venait de vivre, mais elle se sentait au contraire pleine de vie. Lorsque monsieur Menzies, Jules et un autre homme lui proposèrent de se joindre à eux dans une grande bibliothèque du onzième étage, elle accepta. Elle pénétra dans la pièce à leur suite et resta stupéfaite. Un gigantesque tapis rouge vin cachait partiellement le parquet de bois sombre. Les murs étaient chargés de livres du sol au plafond, à l’exception d’un espace réservé à un long meuble ouvragé. Au milieu des rayons, on avait disposé quelques bibelots et objets précieux. De gros fauteuils confortables trônaient ici et là, ainsi que trois bureaux de travail.
Stella avança en se disant que cet endroit devait être le plus beau de tout le gratte-ciel. D’un geste, le directeur l’invita à déposer son porte-documents sur une petite table. Elle s’abstint de mentionner qu’elle n’était pas parvenue à l’ouvrir.
— Je te présente Adam White, commença monsieur Menzies. Monsieur White a commencé sa carrière d’éternel auprès de Benjamin Franklin.
— … Et je peux vous dire, mademoiselle, qu’il n’était pas facile à protéger, ajouta le petit homme aux lunettes rondes. Cette expérience s’est avérée extrêmement formatrice. Je lui dois ma passion pour mon métier.
— Monsieur White est notre expert en outils et en matériel particulier, précisa Jules.
Stella tentait d’assimiler l’information selon laquelle l’homme devant elle avait vraiment connu le célèbre scientifique Benjamin Franklin, mort à la fin du XVIIIe siècle. Pendant ce temps, monsieur White se pencha sur ce qu’elle avait apporté.
— Il s’agit d’une œuvre d’Ernesto de Luz, commenta-t-il. Ce porte-documents est quasi indestructible. Il résisterait au feu, aux balles et probablement à l’effondrement d’un édifice en entier. Toutefois, nous devrons nous montrer très prudents, car, si on en force l’ouverture, son contenu s’autodétruira. Il faut les bonnes clés.
— Les ? répéta Jules.
— Ernesto de Luz est connu pour ses mécanismes complexes, leur apprit l’homme. Je vois trois serrures. La clé qui correspond à la première semble être un petit objet aussi mince qu’une samare et long comme la première phalange d’un doigt.
— Jules, a-t-on trouvé quelque chose du genre dans son appartement ? demanda monsieur Menzies.
« Ils sont allés chez moi ! » comprit Stella.
— Non, répondit l’homme noir, mais ce n’est pas étonnant. Jamais Angéla n’aurait laissé quelque chose d’aussi important derrière elle. Elle l’a caché quelque part. Ça peut aussi bien être ici même, à l’Académie, que dans n’importe quel coin reculé de la planète.
— Elle aura laissé des indices, assura l’Écossais. On doit chercher méthodiquement.
Le regard de Jules glissa sur Stella.
— Je ne serais pas étonné que tu connaisses cette clé, jeune demoiselle. Réfléchis bien. Un objet plat, mince et de quelques centimètres de long.
Stella porta machinalement la main à son cou. Elle y trouva sa chaîne. En tirant délicatement dessus, elle fit remonter le médaillon qui pendait au bout. Il s’agissait d’une plume en argent que sa mère lui avait offerte pour ses neuf ans. Lucie lui avait expliqué que c’était la plume d’un ange et qu’elle devait toujours la garder sur elle.
— Vous permettez ? demanda monsieur White en tendant la main.
Stella détacha la chaînette et la lui remit.
— Ça fonctionne, leur apprit l’homme après avoir inséré la plume dans la première fente. Maintenant, il nous faut un code à six chiffres.
— Si elle détenait la première clé, émit monsieur Menzies, il est possible que Stella ait aussi la réponse qui mènera à la deuxième.
— C’est peut-être bien ma date de naissance ? suggéra-t-elle.
— Je ne crois pas qu’Angéla aurait utilisé ce genre de combinaison facile que n’importe qui peut deviner. C’est sûrement un code plus subtil. Une information que toi seule peux savoir.
— Une date particulière…, proposa Jules.
— Ou une adresse…, renchérit monsieur White.
— Un code secret, ajouta monsieur Menzies, une référence à un livre, un numéro de cadenas, une farce, une heure précise… Cherche quelque chose que vous seules partagiez.
— Vous avez dit une farce ?
Monsieur Menzies haussa les sourcils de surprise. À l’évidence, il avait parlé sans réfléchir. Il hocha néanmoins la tête.
— Je sais que ç’a l’air idiot, dit Stella, mais pourriez-vous essayer « 4-4-4-7-1-9 » ?
Monsieur White s’exécuta et un déclic retentit. Stella sourit de toutes ses dents.
« Je t’aime, maman ! » pensa-t-elle.
Voyant l’air interrogateur des anges autour d’elle, elle expliqua :
— Lorsqu’elle venait me réveiller les matins où je dormais trop longtemps à son goût, maman me posait toujours la même question : « Quels sont les chiffres préférés de la poule ? » Et elle m’agaçait et me chatouillait jusqu’à ce que je lui donne la réponse : 4-4-4-7-1-9. C’était tellement ridicule comme jeu et ça durait depuis si longtemps qu’elle m’exaspérait avec ça, mais, en même temps, je ne pouvais pas m’empêcher de rire chaque fois.
Les trois adultes se déridèrent devant ce souvenir, puis le directeur de l’Académie demanda :
— Et maintenant, monsieur White ? Que manque-t-il ?
— À dire vrai, je l’ignore. La troisième serrure a la forme d’un petit récipient. Je vois bien la coupole de quelques millimètres de diamètre. Toutefois, j’ignore ce qu’on doit y mettre. À première vue, je dirais un liquide.
Ils essayèrent de l’eau du robinet, de l’eau gazéifiée, de l’eau distillée, du vin rouge, du vin blanc, quatre sortes de nectar, cinq sortes de jus.
— C’est impossible, décréta Jules. Nous n’y arriverons jamais de cette façon.
Le silence se fit. Chacun plongea dans ses pensées. Depuis plusieurs minutes, quelque chose dérangeait Stella, mais elle n’arrivait pas à mettre le doigt dessus. Finalement, les paroles de sa mère lui revinrent en mémoire. Prends ce porte-documents, Plume. Tu es la clé…
— Je suis la clé…, murmura l’adolescente.
Levant la tête, elle observa les trois hommes, qui avaient le regard fixé sur elle.
— Maman a dit que j’étais la clé. Et ça s’est confirmé pour les deux premières serrures.
— Alors, vous l’êtes aussi pour la troisième…, chuchota monsieur White, les yeux brillants d’excitation. Logique…
Il se leva de son fauteuil et se dirigea vers sa petite valise. Il revint vers Stella avec une aiguille.
— Je pense que la clé est votre sang, chère demoiselle. Me permettez-vous d’en prélever un peu ?
— Euh… oui…, murmura l’adolescente.
L’homme lui prit la main et enfonça l’aiguille dans le bout de son majeur. Puis, en appuyant de chaque côté, il fit perler quelques gouttes de sang qu’il laissa tomber dans la minuscule coupole. Un troisième déclic se fit entendre.
Cérémonieusement, l’éternel tourna alors le porte-documents vers Stella. La jeune orpheline prit le temps d’inspirer et d’expirer avant de l’ouvrir. Elle découvrit que le fond de la valise était séparé en cinq compartiments de différentes tailles, recouverts chacun d’un couvercle.
Les trois adultes se penchèrent au-dessus de ses épaules. Stella souleva le premier. Une pile de vieux documents roulés occupait l’espace.
— Les manuscrits d’Angéla sont précieux et recèlent beaucoup d’informations sur le monde angélique, lui apprit Jules. Avec ta permission, Stella, nous pourrions les entreposer dans une section spéciale et protégée de la bibliothèque de l’Académie, afin qu’ils ne se dégradent pas.
Stella hocha la tête. Cela lui semblait logique. Trois autres compartiments étaient remplis d’instruments en métal blanc inconnus de la jeune fille.
— Ces sept outils servent à combattre les forces du mal, poursuivit monsieur White. Il faut une solide formation, une réserve de bonté hors du commun et une volonté exceptionnelle pour pouvoir les utiliser. Votre mère possédait tout cela. Je pense que l’on devrait remettre ces instruments à un autre ange guerrier.
— C’est ce que ma mère était, n’est-ce pas ? valida la jeune fille.
— Oui, une chasseuse de démons, approuva le directeur. Elle faisait partie d’une unité d’élite qui avait pour mission de tenir les forces du mal à distance. On ne confie cette charge qu’à un groupe très restreint d’anges, car il s’agit d’un travail exigeant et extrêmement dangereux. Ils doivent exceller dans un grand nombre de domaines et avoir des dons angéliques puissants et très développés. Il faudra voir quel ange guerrier est le plus apte à hériter des outils d’Angéla.
Stella ne comprenait pas trop ce que cela représentait, mais la vision d’Albert surgit dans sa tête et un désir de vengeance lui serra le cœur. Il fallait que quelqu’un arrête cet homme mauvais. Si sa mère les avait gardés à portée de main, c’était sans doute que ces instruments pouvaient s’avérer utiles. Elle aurait voulu que quelqu’un s’en serve. L’adolescente acquiesça donc d’un mouvement de tête à la suggestion de monsieur White.
La cinquième section contenait un coffret avec le nom de Stella gravé dessus. Elle s’en empara et le déposa sur ses genoux.
— Il s’agit aussi d’une œuvre d’Ernesto de Luz, lui apprit monsieur White. Il s’ouvre à l’aide de votre empreinte digitale. C’est extrêmement précieux. Voici ma carte, mademoiselle. Si, un jour, vous désirez vous départir de votre coffret, je souhaiterais l’acheter.
Stella prit la carte, et monsieur Menzies alla reconduire l’ange à l’ascenseur. Lorsqu’il revint, il tira une chaise devant la jeune fille et s’y assit.
— Je conçois que cette journée fût extrêmement exigeante pour toi. Je tiens à t’assurer que tu as fait preuve d’un grand courage et que ta mère serait fière de toi ! Comme je te l’ai dit cet après-midi, tu peux rester ici sans crainte. Nous veillerons sur toi. Pour l’heure, je pense que le moment du repos a sonné. Veux-tu que je te reconduise à ta chambre ?
L’adolescente eut soudain hâte de se retrouver seule.
— Je peux m’y rendre. Je me souviens du chemin.
— Parfait ! Une fois dans l’ascenseur, appuie ton index sur la petite plaque à côté des boutons, et les étages où tu as le droit d’aller s’illumineront. Ta chambre est au vingt-troisième, lui rappela-t-il.
La jeune fille se leva en tenant contre son cœur la petite boîte de bois laissée par sa mère. Elle salua les deux adultes et sortit de la bibliothèque. Elle rejoignit l’ascenseur et suivit les instructions de Kyle. Trois choix d’étage apparurent : le rez-de-chaussée, le onzième et le vingt-troisième.
« Tiens ! Je ne peux pas retourner au bureau de monsieur Menzies, au cinquième », constata-t-elle.
Elle avait l’impression qu’une semaine s’était écoulée en l’espace de quelques heures. Elle n’arrivait pas à concevoir que, le matin même, sa mère était près d’elle.
Arrivée au vingt-troisième étage, elle quitta l’ascenseur. De petits lustres accrochés aux murs éclairaient les planchers de bois foncé et les hauts plafonds. Elle tourna dans un grand corridor de couleur crème. Elle savait que sa chambre se trouvait de ce côté. Elle avançait lentement. Maintenant qu’il était si tard et que toutes les portes étaient fermées, retrouver son chemin ne lui semblait plus si simple. Elle se rendit jusqu’au bout du couloir, puis revint sur ses pas. Il y avait exactement dix portes dans cette section et elle s’aperçut qu’elle ignorait laquelle pousser. Elle songea à regagner la bibliothèque du onzième lorsqu’un battant s’ouvrit derrière elle.
Une vieille femme aux cheveux blancs et au regard doux apparut. Sans dire un mot, elle la précéda. Elle désigna la quatrième pièce de droite et lui fit signe d’y entrer. Jetant un coup d’œil à l’intérieur, Stella reconnut les murs jaunes.
— Merci, chuchota-t-elle.
La femme hocha la tête, tendit la main et lui flatta la joue avec un beau sourire. Stella sentit une vague de calme l’envahir et elle entra dans sa chambre. Malgré sa fatigue, il lui restait une chose importante à faire : découvrir ce que sa mère lui avait légué.
CHAPITRE 5
L’ACADÉMIE
Assise en tailleur sur le gros édredon moelleux de son lit, Stella prit une grande inspiration et posa son index sur la petite plaque au centre du boîtier. Dès que son empreinte digitale fut enregistrée, le couvercle se souleva d’environ un centimètre, comme par magie. Elle l’ouvrit en entier et vit une lettre qui semblait ancienne. Elle attrapa le feuillet et le déroula.
« C’est tout ! » pensa-t-elle, déçue.
Elle relut deux autres fois le message.
— Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ? murmura la jeune fille.
Quand elle réalisa que jamais elle n’entendrait la réponse à sa question, son cœur se serra. Elle se coucha en boule sur sa douillette et, les bras enroulés autour d’elle, éclata en sanglots. Elle pleura fort et longtemps. Sa mère lui manquait tellement ! La jeune fille ne pouvait pas croire qu’elle ne la reverrait jamais.
Alors qu’elle peinait à reprendre son souffle, une vague de calme la traversa. Puis, d’autres vinrent. Chaque fois, c’était comme si un être cher se tenait près d’elle et lui caressait le dos et les cheveux. Ses larmes se tarirent et elle finit par s’endormir.
Le lendemain, Stella fut réveillée par le soleil. Elle aimait les matins. Malgré le drame qu’elle vivait, elle se leva d’un bond et alla faire sa toilette. Un inventaire du contenu de la commode de sa chambre s’imposait. La jeune fille y trouva trois chandails, une jupe et deux pantalons, tous à sa taille. Elle choisit le chandail lilas et la longue jupe couleur crème.
Après l’avoir relue, elle rangea soigneusement la lettre de sa mère dans le coffret, qu’elle referma. Sur la porte de sa chambre se trouvait un plan de l’étage situant les pièces communes, dont une salle à manger.
Elle s’y rendit. Une dame au teint basané, qui avait tout l’air d’être mexicaine, l’accueillit avec un grand sourire. Elle lui proposa de se servir parmi les mets déposés sur un long meuble à six tiroirs. Stella la remercia en espagnol et, affamée, accepta l’offre avant de prendre une assiette.
La femme quitta la pièce pendant que l’adolescente observait les plats. Stella reconnaissait bien quelques fruits comme les fraises, les pommes et les oranges, mais elle ignorait totalement ce que pouvaient être les pommes mauve et turquoise, les baies brunes avec des pois écarlates et les branches de céleri orange lignées de rose.
En plus, il y avait un plateau qui contenait de minces galettes un peu brûlées. À côté se trouvaient des corbeilles chargées de petits pains et de croissants, et de minuscules verres remplis d’un liquide jaune.
L’adolescente fit un choix sûr. Elle prit une pomme rouge et un croissant. Elle mordit à belles dents dans le fruit et ouvrit les yeux de ravissement. Elle tenait entre ses doigts la meilleure pomme qu’elle ait mangée de toute sa vie.
À la fin de son repas, monsieur Menzies vint la rejoindre. De bonne humeur, il attrapa un des minuscules verres, en avala le contenu et poussa une exclamation de contentement. Stella sourit. L’ange ne ressemblait tellement pas à l’image qu’elle se faisait d’un directeur d’école ! Jeune, musclé, habillé de son kilt écossais, il lui semblait plus flyé que sérieux.
— Je peux vous poser une question ? demanda-t-elle.
— Bien sûr ! Je vais même tenter d’y répondre, ajouta-t-il avec un clin d’œil.
— C’est quoi, le liquide que vous avez bu et tous ces fruits bizarres ?
— Le liquide est un nectar. Nous en produisons plusieurs à base de différentes fleurs. Il s’avère extrêmement nutritif pour un ange, en plus d’avoir un goût sublime. D’une certaine façon, il nourrit ton âme. J’ai de la difficulté à l’expliquer. Pour les fruits, c’est plus simple. Ils proviennent tous de nos serres. Il s’agit pour la plupart d’aliments modifiés à l’aide de nos capacités angéliques. Tu as dû te rendre compte que les pommes, les oranges, les fraises ou les mangues avaient un goût extraordinaire ? Tu n’en mangeras jamais de meilleures que dans une résidence d’anges. D’autres, comme les baies tachetées de rouge, existaient avant que l’homme n’apparaisse sur terre. Ils ont disparu depuis des millénaires, mais nous avons réussi à en préserver de petites quantités que nous continuons à faire pousser.
— Ce sont des baies préhistoriques ?
— En quelque sorte, dit en rigolant le directeur. Et maintenant, que dirais-tu de visiter les étages réservés à l’Académie ? proposa-t-il.
Enthousiasmée par cette idée, Stella hocha la tête avec empressement.
— Après vous, gente damoiselle, lui lança-t-il avec une profonde révérence qui la fit pouffer.
Une fois dans l’ascenseur, l’adolescente remarqua que, sous l’empreinte de Kyle, tous les boutons étaient allumés. Il choisit le neuvième étage.
— Cet immeuble est particulier, lui expliqua-t-il. Le rez-de-chaussée ainsi que les trois étages au-dessus sont occupés par des commerces et des bureaux gérés par des humains. Cela crée un va-et-vient constant d’employés et de clients. On évite ainsi d’attirer l’attention sur nous. Bien sûr, ils n’ont pas de carte d’accès pour les étages supérieurs.
— Qu’y a-t-il aux autres étages ? s’informa Stella.
— L’Académie en accapare quatre à elle seule. Le pavillon d’éternels en transition, celui d’anges en vacances et la résidence servant aux éternels en réorientation et en perfectionnement en occupent quatre autres. Le vingt-troisième est essentiellement composé de chambres d’invités et le onzième, que tu as vu hier, abrite notre grande bibliothèque et trois spacieuses salles. Pour le reste, ce sont surtout des bureaux et des salles de réunion. Si tu décides de poursuivre ta formation avec nous, tu seras admise à l’Académie et tu auras accès aux étages qui lui sont consacrés.
Stella retint son souffle quelques instants. Il s’agissait d’une grosse décision ! En plus, elle devrait la prendre seule. Personne n’était là pour l’épauler ou la conseiller. Ouf !
— Est-ce que je pourrai rester dans ma petite chambre jaune au vingt-troisième ? voulut-elle savoir.
— Non. Tu seras logée au neuvième, comme les autres élèves.
— Oh ! OK ! Et pour les vacances ?
L’Écossais sourit.
— Souviens-toi… le temps n’a pas la même signification pour les humains et pour les éternels. Tu n’auras pas vraiment besoin de ce que tu appelles des « vacances d’été » ou un « congé de Noël ».
L’adolescente était perplexe. Est-ce qu’il essayait de lui dire qu’en plus de ne pas vieillir et d’étudier pendant plus trente ans, elle n’aurait jamais de pause ?
— Par contre, poursuivit le directeur, tu apprendras comment passer inaperçue, comment influencer les gens, et tu acquerras un certain pouvoir sur les éléments de la nature. Chaque ange possède et reçoit des dons différents qui se développent au fil du temps.
« Wow ! pensa l’adolescente. Je me demande quels seront les miens ! »
— Toutefois, contrairement à ce que tu crois peut-être parce que de nombreux mythes humains le véhiculent, il te sera impossible de devenir invisible, d’apparaître et de disparaître comme par magie ou de modifier ton environnement à ta guise. Allez, continuons la visite, l’encouragea-t-il, amusé par l’air déçu qu’elle affichait.
Monsieur Menzies lui présenta l’étage où se trouvaient les salles de classe ainsi que la moitié des bureaux des enseignants. L’autre moitié était située juste au-dessus, au huitième étage, avec la cafétéria et des salles de musique insonorisées. Ils descendirent ensuite au sixième pour découvrir les gymnases, les centres d’entraînement et les locaux informatiques. Ils terminèrent la visite avec les chambres des étudiants au neuvième étage.
Au cours des deux jours suivants, on laissa Stella se promener à sa guise au onzième et au vingt-troisième étages. Il y avait plusieurs pièces de détente, des ordinateurs et des livres à profusion. Stella se documenta un peu sur les anges, joua à des jeux en ligne et lut.
Elle eut beaucoup de temps pour réfléchir. Outre l’énigmatique message de sa mère, un sujet retenait davantage son attention : les recherches de celle-ci. Pendant son dernier mois sur terre, elle avait tenté de découvrir si un éternel portait un contrôleur ou si les démons avaient acquis un nouveau pouvoir – du moins, c’est ce qu’elle avait laissé entendre. Stella estimait en savoir trop peu.
« J’aurais dû insister et questionner maman davantage ! »
Maintenant, il était trop tard. Devait-elle parler de tout ça à quelqu’un ? À qui faire confiance ? Kyle Menzies ? Jules ? Et si l’un d’eux justement portait un contrôleur ?
« Impossible ! Ils font preuve de bien trop de gentillesse tous les deux. »
— Ce sont des anges, idiote ! se lança-t-elle à elle-même sans aucun ménagement. Ils vont probablement tous se montrer aimables et serviables. Comment vais-je faire alors pour découvrir le méchant ?
Puis, ses pensées poursuivirent leur chemin. Sa mère avait-elle perdu la vie en raison de ses recherches ?
« Ou plutôt par ma faute parce que j’ai dégagé trop d’énergie en voulant retrouver le petit garçon ? »
Cette dernière question la hantait de plus en plus et elle s’efforçait de la chasser de son esprit, car elle avait l’impression que cela détruisait quelque chose de sensible en elle.
« Peut-être dois-je juste continuer à enquêter à sa place ? estima-t-elle. La meilleure façon d’y parvenir, ce serait… de rester ici ! Mais suis-je faite pour une vie d’ange ? Suis-je assez parfaite pour ça ? Aider les gens jour après jour… est-ce que j’y arriverais ? »
Tout au long des heures qui passaient, elle rumina ces préoccupations. Et, lorsqu’en début de soirée monsieur Menzies demanda à la rencontrer, elle avait pris sa décision.
— Je veux entrer à l’Académie ! lui annonça-t-elle.
— Je suis très content de l’apprendre, lui assura le directeur. Nous nous occuperons bien de toi. Demain, tu commenceras ta formation.
Le lendemain matin, Stella dut fournir un effort colossal pour avaler son déjeuner, un bol de succulentes céréales. La perspective de rencontrer les élèves la rendait nerveuse. Encore une nouvelle école… Encore de nouveaux visages à reconnaître, de nouveaux noms à retenir et le jugement des autres à supporter.
« Mais, cette fois, ce sera la dernière ! » espéra-t-elle.
Lorsque monsieur Menzies arriva, elle se leva d’un bond, heureuse de passer à l’action plutôt que de continuer à se ronger les sangs.
— Voici ton horaire de cours. Tu trouveras dans ta chambre tout le matériel dont tu auras besoin pour les suivre.
C’était l’horaire le plus bizarre que Stella ait eu l’occasion de voir.
* L’horaire peut changer sans préavis pour faire place à des expériences sur le terrain ou à des tests pratiques.
** Liste des livres à lire :
• Le monde caché aux humains, d’Antonio Rodrigue ;
• L’art de lire les auras, de Betier ;
• Le bien et le mal : bataille constante, de St-Andrew ;
• Le treizième mois, de Catherine Lego.
— J’aurai des cours le samedi ? s’étonna Stella.
— Eh oui ! dit le directeur. Bienvenue dans notre monde ! Souviens-toi, le temps n’a pas la même signification pour les humains…
— … Et pour les éternels, compléta-t-elle pour lui prouver qu’elle commençait à assimiler le message. Pourquoi certaines cases comportent-elles deux cours ? voulut-elle savoir.
— Je te réserve la surprise. Pour l’instant, tu ne dois t’occuper que du premier cours inscrit.
Ils pénétrèrent dans l’ascenseur. Il était huit heures cinquante. Stella se mit à espérer avoir le temps de s’asseoir dans un coin de la classe avant que les autres élèves arrivent. Au milieu du corridor, monsieur Menzies s’arrêta et frappa deux coups à une porte de bois munie d’une petite fenêtre. Une femme d’à peine cinq pieds aux traits asiatiques et à la longue chevelure noire vint lui ouvrir.
— Bonjour, monsieur Menzies, bonjour, Stella. Je suis madame Matsuo. Nous vous attendions.
Elle recula de plusieurs pas afin de les laisser entrer. En voyant une douzaine de personnes la détailler de la tête aux pieds, Stella abandonna tout espoir d’une entrée discrète. Pire. Devant elle, il y avait autant d’adultes que d’adolescents. C’était vraiment bizarre de voir tous ces élèves adultes assis aux tables placées en forme de U.
— Bonjour à tous, salua l’Écossais de son habituel ton enjoué et énergique. Voici Stella. Elle commence son apprentissage aujourd’hui. Je compte sur vous pour la soutenir et l’encourager. Je vous souhaite une très belle journée.
Puis, il se tourna vers la jeune fille.
— Je reviendrai te voir plus tard.
Dès qu’il fut sorti, le silence régna dans la classe. Stella regardait le plancher. Elle savait qu’elle aurait dû lever la tête et se montrer sûre d’elle, mais ce n’était pas si simple. Le fait de se retrouver devant une assemblée d’anges l’intimidait. Elle avait l’impression qu’ils pouvaient lire dans sa tête.
— Stella ? Aimerais-tu te présenter ?
Résumé
– Moi, un ange ? C’est impossible, maman!
– Eh oui, ma Stella ! Tu as hérité du même don que moi. Et, maintenant, tu dois apprendre à t’en servir. Tu iras dans une école spéciale où on t’enseignera à prendre soin des humains. Mais tu devras être très prudente ! Personne ne doit deviner ce que tu es réellement…
***
Stella découvre ainsi le monde fascinant des éternels. Elle s’y fait des amis, mais aussi des ennemis dont elle devra se méfier. Manipulé par les forces du mal, quelqu’un autour d’elle devient très menaçant… Mais qui? Pour se protéger, la jeune fille décide de mener son enquête seule.
Quel courage ! Stella parviendra-t-elle à voler de ses propres ailes, dans cet univers inconnu ?
«Les Éternels» est une collection de livres qu’il est possible de lire dans l’ordre ou pas, pour le simple plaisir de nous évader du quotidien pendant quelques heures et d’ouvrir notre cœur à la magie des anges qui nous entourent!
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Mathias – :
Ma mère est l’auteure c cool lisez nous partirez dans son monde