Le papapillon
Sophie Laroche
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Liste de ce qui nous arrive quand on devient vieux
Par Camille
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Nos goûts vestimentaires changent. Et pas dans le bon sens ! Au lieu des jolis t-shirts colorés et des jeans trop cool, on aime les chemisiers marron moches et les jupes en laine qui grattent. Quand je vois ce que maman regarde dans les vitrines quand nous magasinons toutes les deux, j’ai peur que le changement ait déjà commencé…
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On se lève de mauvaise humeur et, si on fait des efforts, on parvient à retrouver notre bonne humeur avant la fin de journée. (Alors que moi, je me lève toujours heureuse. C’est l’école, les devoirs, ma grande soeur qui viennent me contrarier et gâcher cette joie de vivre.) Il suffit d’aller dans une boulangerie, tôt le matin, pour entendre toutes les personnes âgées qui rouspètent parce que ça ne va pas assez vite, que le pain est trop cuit ou pas assez…
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Je ne sais pas pourquoi, mais, quand on va chez le coiffeur, on tombe à tout coup sur la jeune apprentie qui ne connaît pas son métier. Sinon, comment expliquer que ma grand-mère ressorte chaque fois avec des cheveux aux reflets violets ? Et j’ai déjà remarqué la même chose chez d’autres personnes âgées !
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On s’aperçoit enfin que l’enfance était le meilleur moment de notre vie. La preuve : les grands-parents acceptent très facilement d’acheter des bonbons et d’en manger avec nous, alors que nos parents nous l’interdisent. Et ils ont toujours le temps de jouer à un jeu de société quand les parents, eux, sont trop débordés pour le faire.
Chapitre 2
J’ai trouvé comment aider madame Maillard ! Je vais lui faire des listes, comme celles que je rédige dans mon journal intime, qui sera publié quand je serai adulte tellement ma vie est passionnante et, surtout, bien écrite ! C’est un travail énorme, qui va solliciter à la fois :
1. Ma mémoire
Ça fait plusieurs années maintenant que j’écris mon journal, j’ai pris l’habitude de me souvenir de tous les événements avec précision. Bon, parfois (mais très rarement) j’invente les détails que j’ai oubliés, ou je les modifie parce qu’ils ne me plaisent pas. Comme ce jour où nous avons organisé la fête de la famille et des amis, et où Raphaële portait un affreux t-shirt vert. Dans mon journal, il est d’un très beau jaune. Là, ce n’est pas mentir, c’est veiller au plaisir de mon futur lecteur.
2. Ma grammaire et mon orthographe
Quand je serai une écrivaine connue dans tout le Québec, le Canada et même le monde, je pourrai faire changer quelques règles grammaticales. Par exemple, on mettra un s au pluriel de tous les mots pour que ce soit plus facile. Et je suis certaine que les hibous en seront très heureus. Mais, pour l’instant, j’applique à la lettre les règles parfois tordues que des gens ont inventées il y a très longtemps, sans doute parce que, sans télé, Internet ni jeux vidéo, ils s’ennuyaient pendant les longues soirées d’hiver. Je vais donc écrire à madame Maillard des listes sans fautes. (En tout cas, je vais faire de mon mieux.)
3. Mon sens de l’enquête
Même si je suis une fille absolument comme les autres, sans talent particulier (à part mon don pour l’écriture), il se trouve que j’ai déjà vécu des événements absolument extraordinaires. J’ai percé de grands mystères, comme quand nous avons retrouvé le père biochimique de mon amie Raphaële. J’ai connu une guerre des gommes à l’école, et une grève des parents. Alors j’ai l’habitude de chercher des informations.
Je commence donc par espionner la vieille dame pour connaître ses habitudes ; quels légumes elle mange, ses heures de balade, quel jour elle va au cimetière pour fleurir la tombe de son mari et même quelles fleurs elle achète.
Puis je note tout sur des fiches de couleur : des roses pour les aliments, des vertes pour le programme de la journée, des bleues qui lui rappellent avec qui elle est aimable et des rouges pour les personnes avec qui elle ne l’est pas. Parce que, si madame Maillard devient subitement gentille avec elle, la boulangère va s’inquiéter et appeler l’hôpital de toute urgence, c’est certain !
Ce soir, alors que je ramène Nala de sa promenade, je sors enfin mes fiches et les donne à ma voisine préférée. J’espère qu’elle ne va pas se vexer : si jamais elle a oublié qu’elle oublie, elle ne va pas comprendre ma démarche…
La vieille dame les lit sans le moindre commentaire, et ce silence me grignote le ventre. Puis elle lève sur moi des yeux humides, et un grand sourire rajeunit son visage. Elle me rassure aussitôt :
– Camille, c’est si gentil, si précis, si bien écrit ! Bon, il y a juste une petite faute au mot « épinards »…
Ah bon ? Ce n’est pas avec un t à la fin ? C’est peut-être pour ça que je ne les ai jamais bien digérés, je les écrivais mal !
– … mais c’est une attention très délicate de ta part. J’aurais tellement aimé avoir une fille comme toi ! soupire-t-elle en jetant un regard à la photo de Raymond, son mari, qui trône sur une petite table du salon.
– Pourquoi vous avez jamais eu d’enfants ? osé-je lui demander.
Mon audace m’étonne : c’est un sujet que je n’ai jamais abordé avec mon amie avant.
– Je ne sais pas, c’est Dame Nature qui l’a voulu. Elle a peut-être estimé que mon Raymond et moi étions suffisamment heureux à deux.
– Et c’était vrai ?
– Oh oui ! Mais, maintenant qu’il est parti, je suis si seule…
C’est vrai qu’elle est seule, madame Maillard. Jamais la moindre visite…
– Vous aviez pas de frères et sœurs ? insisté-je.
Ça peut paraître impoli de poser des questions privées comme ça (c’est ce que maman me répète quand elle me trouve trop curieuse), mais je tiens à rappeler que je suis maintenant la gardienne de la mémoire de madame Maillard. Si je dois rédiger une fiche « famille » en plus (je crois qu’il me reste du papier orange), il me faut toutes les informations. D’ailleurs, mon amie n’est pas offusquée et elle me répond bien volontiers :
– J’avais un petit frère, Léon, qui lui-même a eu un garçon et une fille. Mais il est mort, et je ne vois jamais ses chenapans d’enfants. C’est à peine si j’ai un coup de téléphone pour qu’on me souhaite la bonne année et un joyeux anniversaire.
– Ils vous rendent jamais visite ? m’indigné-je.
Le visage tout ridé s’agite :
– Non, ils ne viennent plus. Il paraît que je les ai froissés ! Quand ils sont venus la dernière fois, j’ai exigé qu’ils enlèvent leurs chaussures avant d’entrer, même si c’était l’été. Je leur ai aussi demandé de porter des gants jetables pour qu’ils ne salissent pas ce qu’ils touchaient. Ah, et j’avais posé des torchons sur le canapé qui indiquaient où ils pouvaient s’asseoir. Ils m’ont affirmé que c’était offensant. On voit bien que ce n’est pas eux qui font le ménage !
Je suis tout à coup moins révoltée : moi non plus, je n’aurais pas aimé être reçue comme ça ! Mais je n’ai pas le courage de le lui dire. Aujourd’hui, j’ai fait très plaisir à mon amie, je ne veux pas ternir mon image de Super Petite Voisine. Madame Maillard jette de nouveau un œil rapide sur ses fiches, puis ouvre la porte de son buffet, celui où se trouve son bocal de bonbons pour les grandes occasions. Elle m’en donne un et en prend deux :
– Tiens, Camille, tu l’as bien mérité. Merci pour tout. Merci, vraiment.
– De rien, madame Maillard, lui réponds-je avec un grand sourire.
Ses fiches multicolores en poche, mon amie ne craint plus rien, me voilà rassurée.
C’est donc l’esprit tout à fait tranquille que je sonne chez elle deux jours plus tard. Je suis impatiente d’emmener Nala en promenade. Non seulement cette chienne est magnifiquement belle (ça, elle le sait ; elle se tient toujours le museau très haut), mais elle est aussi la plus gentille. Chaque fois qu’on se retrouve, elle oublie ses bonnes manières d’animal de race pour me faire vraiment fête : elle jappe, elle sautille et moi, je jubile.
Deux fois déjà que j’appuie sur la sonnette, et toujours pas de réponse. C’est étonnant : en général, madame Maillard m’ouvre si vite que je finis par croire qu’elle m’attend derrière la porte depuis une heure, Nala déjà en laisse. Je n’ose pas tenter un troisième essai tout de suite ; la vieille dame risque de se lancer dans une de ses tirades sur les jeunes d’aujourd’hui qui sont si impatients et impolis. Je pose l’oreille sur la porte pour écouter. Je n’entends d’abord aucun bruit. Seraient-elles sorties ? Étrange, madame Maillard ne bouleverse jamais son emploi du temps. À moins qu’elle n’ait oublié quel jour on est ? Impossible, elle a mes fiches ! Je finis par percevoir un léger bruit. Il me semble reconnaître Nala… qui pleure !
– Nala !
– Wouf… wouf !
Cette fois, aucun doute ! Je ne parle pas la langue des chiens aussi couramment que celle des chats, mais assez bien cependant pour comprendre que Nala m’appelle au secours. Il se passe quelque chose d’anormal chez madame Maillard ! Je dévale l’escalier jusqu’à mon appartement, j’entre en trombe et hurle :
– Maman, il est arrivé un truc très grave à madame Maillard !
Je n’ai pas pris le temps d’enlever mes bottes, mais maman ne râle même pas : elle a compris l’urgence de la situation. Elle téléphone au 911 et les premiers répondants arrivent dix minutes plus tard. Je suis déçue qu’ils parviennent à crocheter la porte de la vieille dame : j’aurais aimé qu’ils l’ouvrent avec fracas, ça m’aurait offert un récit passionnant à raconter à mes amies. Mais je suis soulagée quand ils retrouvent madame Maillard (vivante !), par terre dans sa cuisine. Elle a les yeux ouverts mais le regard dans le vide, et les lèvres sèches. Les policiers (qui sont très beaux !) l’examinent puis la redressent doucement : rien de cassé, juste quelques bleus. Madame Maillard boit avec avidité le verre d’eau qu’ils lui proposent et retrouve ses esprits et la parole. Elle a glissé, hier soir, et n’a pas réussi à se relever. Cette fois, ce n’est plus la mémoire mais le sens de l’équilibre que mon amie a perdu !
Elle a passé vingt heures allongée sur le carrelage froid. Comme chaque minute a dû lui sembler longue ! Le plus mignon des policiers pose la main sur mon épaule et annonce :
– Jeune fille, tu es une vraie héroïne ! Tu as sauvé la vie de cette dame.
– Sauvé ? Vraiment ? Parce qu’elle ne saigne pas, le questionné-je.
Si je dois être une sauveuse, je veux d’abord être archicertaine de mon statut.
– Un jour de plus et ta voisine mourait de déshydratation… de soif quoi, précise l’homme.
– Mais je vais très bien ! s’exclame soudainement madame Maillard. Vous pouvez tous rentrer chez vous. Et vite ! Parce que là, voyez-vous, vous laissez des traces sur le sol de mon entrée.
Pas de doute, la vieille dame va mieux. Mais il en faut plus pour impressionner le charmant policier qui vient de me proclamer héroïne :
– Madame, nous vous emmenons à l’hôpital pour faire des examens de contrôle.
– C’est impossible ! Qui va s’occuper de Nala ? s’inquiète madame Maillard.
– C’est vrai, ça ! Qui va s’occuper de cette pauvre Nala qui va se retrouver si seule et si perdue ? m’inquiété-je en écho, avec un regard très lourd de sous-entendus vers maman.
– Nous ne nous occupons pas des animaux, malheureusement, insiste à son tour le chef de police.
– OK, Camille, tu peux garder Lana en attendant que nous trouvions une solution.
C’est Nala, pas Lana ! Mais je ne la reprends pas, je ne veux surtout pas la contrarier ; elle vient de faire une énorme concession. Je ne comprends pas pourquoi maman parle de trouver une solution, alors que celle-ci est évidente : madame Maillard récupérera sa chienne à son retour.
– J’espère juste pour toi… et pour nous tous, que ton chat va être d’accord avec ça, conclut maman.
Coca ! Je n’y avais pas pensé ! Il va être difficile à convaincre. Mon chat est un animal extraordinaire, très ouvert d’esprit, mais il fait preuve d’un racisme tout à fait réactionnaire et décevant quand il s’agit des autres espèces animales (en particulier des chiens).
– Camille, ne t’inquiète pas, me rassure madame Maillard. Je rentrerai très vite, puisque je n’ai rien.
Pourtant, je trouve que son sourire tremble un peu, comme si elle doutait de ce qu’elle affirme.
Quatre jours que madame Maillard est à l’hôpital et que Nala est à la maison. Quatre jours seulement et Coca a déjà griffé la chienne en plus d’uriner sur le canapé en signe de protestation (à moins que ce soit de peur quand elle est entrée dans le salon). Depuis qu’elle est là, il refuse de dormir dans mon lit et a trouvé refuge – trahison suprême ! – sur celui de Jeanne ! Quant à Nala, elle s’est bien adaptée à son nouvel environnement, même si elle vérifie toujours, avant d’entrer dans une pièce, si son ennemi à moustaches s’y trouve. C’est une sacrée responsabilité de l’avoir chez nous, car il faut que je la sorte le matin avant l’école, puis l’après-midi en rentrant, et enfin le soir avant de me coucher. Même si j’adore cette chienne, j’ai hâte que les médecins aient fini leurs examens approfondis et que madame Maillard rentre chez elle avec Nala.
Mon vœu a été exaucé : cet après-midi, en rentrant de l’école, j’entends du bruit à l’étage supérieur. Vite, je vais chercher Nala et je me précipite dans la cage d’escalier. La porte est ouverte, c’est étrange. J’entre et je tombe nez à nez… avec un inconnu !
– Qui êtes-vous ? Que faites-vous là ? Qui vous a donné la permission d’entrer ? Pourquoi vous avez pris la valise de madame Maillard ? Et pourquoi vous avez le même nez qu’elle ?
Ça fait beaucoup de questions en même temps, mais ce n’est pas ma faute, elles se sont bousculées en même temps jusqu’au bout de ma langue !
– C’est vrai que j’ai le même nez que ma tante et mon père, me répond calmement le monsieur. Je suis le neveu de Lucienne. Elle ne sortira pas de l’hôpital tout de suite, alors je suis passé prendre quelques affaires.
Puis, à son tour, il me questionne (un peu moins longtemps…) :
– Tu es Camille ?
– Oui.
– J’ai un message pour toi.
Il me tend une lettre :
Chère Camille,
Peux-tu prendre soin de Nala encore un peu ? Les médecins veulent m’envoyer en maison de repos, mais compte sur moi pour leur montrer comme je suis ragaillardie. Surveille mon neveu quand il passera prendre mes affaires, il est capable de manger toute ma réserve de biscuits en deux minutes !
Je t’embrasse affectueusement,
Ta Lucienne Maillard
Madame Maillard ne reviendra pas tout de suite… c’est la catastrophe ! Comment vais-je faire avec Nala ? La pauvre chienne pose sur moi un regard désespéré ; elle comprend le langage humain comme Coca, c’est certain. Voilà un point commun avec mon chat.
– Ne t’inquiète pas, Nala, ça va aller, la rassuré-je. Coca va s’habituer et nous allons trouver une solution. Et puis un bol d’air frais, avant de dormir, ça me fait le plus grand bien.
Espérons que maman sera de cet avis. Je quitte l’appartement en y abandonnant le neveu (il ne ressemble pas à un cambrioleur de biscuits). En descendant l’escalier, je prépare mes arguments pour plaider la cause de Nala. Étrangement, maman accepte sans rouspéter que la chienne reste avec nous, mais « provisoirement », insiste-t-elle quand même. Puis elle me propose d’aller rendre visite à madame Maillard lorsqu’elle sera installée à sa maison de repos, ce qui est une excellente idée. D’ailleurs, Nala est ravie ! (Je le comprends à voir sa queue qui fouette l’air.)
– Non, la chienne ne peut pas venir ! précise tout de suite maman.
– Pourtant, elle est propre, crois-moi, répliqué-je. Sinon, madame Maillard ne l’aurait jamais acceptée chez elle.
Maman me dit que ce point n’est pas négociable, que c’est la loi, c’est comme ça. Puis elle se lance dans un étrange discours qui ne me plaît pas du tout. Je devrais, paraît-il, me préparer à l’idée que madame Maillard ne revienne pas, parce qu’elle est âgée et que c’est dans l’ordre des choses et blablabla. Pour lui prouver qu’elle a tort, je montre à maman la lettre de mon amie. À sa lecture, elle soupire et sourit, exactement en même temps.
– Ma chérie, madame Maillard sera bien dans la maison de repos où elle ira.
– Mais son appartement, il ne peut pas rester vide ! Qui va arroser les fleurs ?
– Il sera loué à de nouvelles personnes et, qui sait, il y aura peut-être enfin des enfants de ton âge dans l’immeuble. Ce serait super, non ?
Oui, bien sûr, ce serait chouette d’avoir un copain ou une copine dans ma résidence. Mais que va-t-il se passer s’il ou elle déménage à son tour ? J’aurai de nouveau le cœur brisé ? Je décide de ne pas rencontrer les futurs voisins (s’il y en a un jour). Sauf si c’est Christophe Maé, bien entendu.
En plus, une petite voix me dit que madame Maillard, « ma » Lucienne Maillard, ne sauterait pas de joie en apprenant que je suis devenue amie avec les gens qui lui ont piqué son appartement et qui ont changé le papier peint. (Forcément, il est si moche !)
Liste de tout ce que j’apporterai le jour où j’irai en maison de repos
Par Camille
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L’intégrale de Christophe Maé. Et tous ses posters ; j’en mettrai dans ma chambre, mais aussi dans les couloirs pour que tout le monde puisse en profiter. Dans la vie, il faut savoir partager.
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Mon chat Coca. S’il est temps pour moi d’aller me reposer, il est temps pour lui aussi ! Par contre, je ne laisserai pas tous les autres pensionnaires le caresser. Pas parce que je ne serai plus généreuse (le point 1 prouve le contraire !), mais parce que mon chat déteste être caressé par des inconnus. Il faut mériter de toucher son pelage, c’est tout, pas le choix.
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Trois valises complètes de tablettes de chocolat fourré au caramel. Si vrament je dois me reposer, il me faudra des forces, et je ne connais rien qui me donne plus d’énergie que mon chocolat préféré !
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Des pétards et des fusées, un porte-voix, des confettis : si jamais cette maison est vraiment trop reposante, ça me permettra de mettre un peu d’ambiance !
Chapitre 3
Une pancarte « à louer » a été affichée à la fenêtre de l’appartement de madame Maillard. C’est officiel, mon amie ne reviendra pas… Maman veut donc que je ramène Nala à son ancienne propriétaire, madame Pellerin, marchande de fruits et légumes. C’est vrai que c’est une bonne idée, même si ce colley préfère les salons aux stands du marché. Madame Pellerin est très gentille et je pourrai continuer à balader Nala. En échange, elle me donnera encore de gros sacs de bonbons. Et puis, je dois être lucide : Coca ne s’habituera pas à cette présence canine. Notre appartement est avant tout le sien, même si ce n’est pas lui qui paie le loyer. C’est ce que j’explique à Nala en me rendant au marché et, quand je la vois trépigner à l’approche du stand de son ancienne maîtresse, je me sens soulagée. Cette solution lui convient.
Seulement, une fois devant l’étal, je ne trouve pas madame Pellerin. Peut-être est-elle allée boire un café pour se réchauffer ?
– Son café, c’est au soleil qu’elle le prend ! s’exclame le vendeur qui se trouve derrière le stand quand je lui pose la question. Et encore, ça doit plus être un cocktail multi-fruits exotiques !
– Elle est partie en vacances ? l’interrogé-je.
– En vacances permanentes, tu veux dire, jeune fille ! Tu n’es pas au courant ? Madame Pellerin a gagné à la loterie et elle est partie vivre avec son mari à l’île Maurice. Elle a acheté une villa en face de la mer, et des champs d’ananas.
L’île Maurice, l’eau turquoise, les ananas… Waouh, si je m’attendais à ça ! D’un côté, je suis contente pour elle, mais, d’un autre côté, je suis super ennuyée !
– Je te reconnais, poursuit alors le vendeur. Tu es la jeune fille qui s’occupait des chiens. Eh bien, figure-toi qu’elle a emmené Flèche là-bas ! Grâce à toi, ce brave toutou profite de la vie de farniente qu’il a toujours rêvé d’avoir.
Flèche sous les palmiers… C’est chouette, mais ça ne règle pas le cas de Nala. Je rentre à la maison, déçue et inquiète : que va dire maman ?
Maman m’a lancé un ultimatum : dans trois jours, Nala doit être partie. Sinon, elle la confiera à une association d’amis des animaux. Nala à des inconnus ? Madame Maillard m’en voudrait à vie ! Et moi non plus, je ne me le pardonnerais pas. Je dois trouver une solution ! Mais laquelle ? La fugue ? Qu’est-ce que Coca et Bébé César deviendraient sans moi ? Cacher Nala, alors ? Où ?
Heureusement, nous sommes vendredi, et c’est papa qui me tire d’affaire en acceptant de prendre la chienne chez lui quelques jours. Ç’a du bon, parfois, d’avoir des parents séparés. Forcément, Coca refuse de me miauler son « au revoir » habituel quand il comprend que Nala va partir avec moi en week-end, alors qu’il n’en a jamais eu le droit. Mais je ne me vexe pas. Dimanche soir, je rentrerai sans elle, j’aurai tout le temps nécessaire pour lui expliquer la situation. Ça me fait penser au divorce de mes parents. Coca et Nala sont mes deux animaux, comme papa et maman sont mes deux parents. Ils m’aiment et je les aime, mais ils ne peuvent plus vivre sous le même toit. J’ai déjà connu ça !
– C’est provisoire, insiste papa à son tour. Le temps de trouver une famille.
– Oui, oui ! acquiescé-je en dodelinant de la tête.
Sauf que moi, j’ai l’intention que le provisoire devienne permanent. Papa a une maison avec un jardin, il adore aller courir, je lui rends visite un week-end sur deux et le mardi soir : Nala chez lui, c’est la solution idéale ! En plus, Marine et lui n’ont pas encore d’enfants. Même s’ils sont tous les deux très gentils, la maison doit manquer d’ambiance ! La chienne va régler tout ça.
Dans ma tête, Nala est placée définitivement, mais je me tais, je vais laisser papa le deviner tout seul. C’est un truc que j’ai compris il y a quelque temps : les adultes aiment avoir l’impression qu’ils sont plus malins que les enfants et que ce sont eux qui ont les bonnes idées. Je lui laisse donc le plaisir de m’annoncer, dans une semaine ou deux, que Nala peut rester chez lui. Je prendrai alors un air très étonné et je sauterai de joie en hurlant que, décidément, j’ai le meilleur papa de la Terre. Madame Maillard sera heureuse d’apprendre que Nala reste dans la famille. Voilà un problème de réglé, il me tarde de rendre visite à mon amie pour le lui annoncer !
J’avais choisi de ne pas rencontrer les nouveaux voisins et je savais que les éviter allait être compliqué : il faudrait sauter dans l’ascenseur quand ils prendraient l’escalier ou vice versa. Mais j’étais motivée, j’ai eu mon lot d’émotions fortes, ces derniers jours.
Cependant, quand je vois le camion de déménagement garé devant la résidence, je décide quand même d’espionner par la fenêtre, puis dans le couloir, puis devant la porte ouverte, parce que je suis sûre que madame Maillard voudra savoir qui est dans son appartement. J’aperçois une famille avec deux enfants et un chat blanc. Il y a un grand garçon ado, boutonneux et grincheux. Tout à fait le genre à s’entendre avec Jeanne !
Il y a aussi une fille qui semble avoir mon âge, et qui a l’air gentille, je dois le reconnaître. En tout cas, j’aime bien comment elle me sourit. Du coup, je décide de ne pas l’ignorer et je me présente :
– Je suis Camille, la voisine du dessous. Le beau chat noir à trois pattes, c’est le mien.
– Oh, pauvre chat ! Pourquoi il n’a plus que trois pattes ? me demande-t-elle sans même me donner au préalable son prénom.
Ce qui, aux yeux de madame Maillard, passerait pour une impolitesse totale. Je ne m’en formalise pas : je trouve très positif qu’elle se préoccupe comme ça de la santé de mon Coca. Si elle aime les animaux, c’est forcément une fille chouette. Je lui explique donc que mon chat a eu un cancer, avant de lui demander le nom de son chat à elle : Pepsi.
– Pepsi et Coca, c’est trop rigolo ! s’esclaffe-t-elle. Au fait, je m’appelle Alice. Viens, je vais te montrer ma chambre. Même si mes meubles ne sont pas encore installés, je suis contente que tu sois ma première invitée !
Voilà qui finit de me convaincre. Je mets de côté ma peur de déplaire à madame Maillard et celle d’être de nouveau blessée, et je décide qu’Alice sera mon amie. Après tout, comme elle a mon âge, elle ne devrait pas me quitter pour la maison de repos avant trèèèès longtemps ! Alice a des cheveux roux, des yeux bleus et des taches de rousseur sur le visage ; je trouve qu’elle ressemble un peu à l’héroïne du dessin animé Rebelle, sauf que ses cheveux sont remontés en un gros chignon au-dessus de sa tête. En plus, elle est inscrite à la même école que moi : j’espère qu’on sera dans la même classe ! Je suis impatiente de la présenter à Emma et Raphaële.
Résumé
J’ai une bonne et une mauvaise nouvelles. Je commence par la mauvaise ?
Madame Maillard, la charmante vieille dame qui habite au-dessus de chez moi, doit déménager parce qu’elle perd la tête. Attention, sa tête ne tombe pas par terre ! Mais elle commence à oublier certains trucs importants… comme mon prénom.
La bonne nouvelle, c’est que son appartement est loué à une famille de deux enfants. L’aîné est un adolescent tellement boutonneux que son visage ressemble à un clafoutis aux cerises. Il va bien s’entendre avec Jeanne ! Sa petite sœur, Alice, a mon âge et elle est trooooop cool ! En plus, elle est dans ma classe.
Je suis super contente d’avoir une nouvelle copine. C’est juste dommage que Raphaële n’arrive pas à l’apprécier…. Je crois que ma meilleure amie est jalouse. Sinon, pourquoi me raconterait-elle tout le temps qu’Alice est une tricheuse ?… Oh là là, c’est compliqué l’amitié !
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Martine – :
Bonjour je lue votre roman
c’est vraiment magnifique j’addore votre roman.